Contre le dumping fiscal en France

Le dumping fiscal en France se fait par la fraude fiscale, et par « l’optimisation fiscale », qui passe par l’utilisation de nombreuses niches fiscales et exonérations de cotisations. La fraude fiscale représente un manque à gagner de 60 à 80 milliards d’euros par an pour l’Etat. Elle prend plusieurs formes, parmi les principales pratiques : « le travail dissimulé, la fraude à la TVA, la sous-estimation de la valeur du patrimoine, le paiement de sommes en liquide non déclarées ». Parmi ces fraudeur⋅euse⋅s, les deux tiers seraient des entreprises, l’autre tiers des particulier⋅e⋅s.

  1. L’ optimisation fiscale, privilège des grands groupes
  2. Des exonérations qui profitent surtout aux grands groupes
  3. Mesures de la France Insoumise

L’ optimisation fiscale, privilège des grands groupes

L’optimisation fiscale consiste à se servir de toutes les « failles » de la législation pour payer le moins d’impôts et de cotisations possibles. Alors que l’impôt sur les sociétés est aujourd’hui de 33,3% (pour des bénéficies supérieurs à 75 000 euros), une étude de la Banque mondiale et du cabinet PwC de 2013 estimait que le taux d’imposition réel sur les bénéficies des entreprises du CAC 40 était de 8,7%. Une étude du Trésor de 2014 disait que les grands groupes payaient 26% d’impôts sur les sociétés, tandis que les PME payaient 32%. Mais ce chiffre semble théorique pour les grands groupes, car si des chiffres de leur imposition au niveau mondial sont donnés, en France, « il reste très difficile de savoir combien les sociétés du CAC 40 versent à l’Etat chaque année. Ni Bercy, ni les entreprises ne communiquent de détails sur ce sujet ».

L’optimisation fiscale est le principal moyen d’arriver à faire baisser ces taux d’impositions. Elle se fait principalement à l’international, avec des montages financiers ultra-complexes, multipliant les entités et leurs lieux de domiciliation. Elle se fait aussi en utilisant les nombreuses niches fiscales existantes en France. Il y aurait 451 niches fiscales, qui représenteraient un manque à gagner total de 89,9 milliards d’euros pour les finances publiques. Elles profitent principalement aux grandes entreprises, d’abord car elle sont le fruit de leur « intense lobbying », et aussi car contrairement aux plus petites entreprises, « elles ont les moyens de se payer l’expertise nécessaire pour pratiquer une optimisation fiscale qui n’est pas à la portée des PME ». Ces grandes entreprises peuvent aussi profiter de la complicité de l’Etat, comme l’UEFA qui a organisé le championnat d’Europe des nations en 2016, et qui n’a payé aucun impôt en France, alors que les pouvoirs publics auraient investi 2 milliards d’euros pour l’organisation de l’événement.

Des exonérations qui profitent surtout aux grands groupes

Une autre manière de faire de l’optimisation fiscale est de profiter à fond des exonérations de cotisations sociales, qui n’ont cessé d’augmenter depuis plus de 20 ans : alors qu’elles représentaient un coût de 3,4 milliards d’euros en 1993, ce montant a atteint 27,6 milliards en 2013, avec une efficacité économique douteuse. Et ce montant ne prend pas en compte le pacte de responsabilité, qui comprend le CICE et d’autres exonérations, dont le coût annuel est estimé à environ 41 milliards d’euros par an à partir de 2017.

Le CICE permet aux entreprises d’alléger leur masse salariale pour les salaires inférieurs à 2,5 SMIC. D’après un rapport du sénat, il a eu peu d’effets sur la compétitivité, et les grandes entreprises en ont bénéficié à hauteur de 30,2% des créances. On peut s’interroger sur le fait que les grandes entreprises en bénéficient, quand les PME et les TPE n’ont eu que 32,7% des créances, alors qu’elles sont beaucoup plus nombreuses, et qu’elles ont une proportion plus grande d’employé⋅e⋅s à moins de 2,5 SMIC. Par exemple, la filiale de détail d’Apple, Apple Retail France, a déclaré fin septembre 2014 avoir reçu plus d’1,5 millions d’euros, alors que la même année, cette structure a payé moins d’impôts sur les sociétés (1,1 million environ)… En fait, il semble que le CICE ait surtout permis de sauver des TPE et PME en passe de faire faillite, souvent à cause de retards de paiements. Une manière de faire payer l’Etat, quand les grandes entreprises prennent les PME-TPE pour leurs « banquiers »… D’après un rapport de France-Stratégie, ce dispositif aurait permis de créer ou sauvegarder entre 50 000 et 100 000 emplois en 2 ans, soit entre 300 000 et 600 000 euros par emploi. Alors que 40 milliards équivaut à environ 600 000 emplois à 2200 euros net, cotisations comprises.

Parmi les autres exonérations servant de niches fiscales, il y a aussi le Crédit Impôt Recherche (CIR), qui est censé soutenir les entreprises innovantes qui investissent dans la recherche, et développer l’emploi. Ce dispositif coûte aujourd’hui environ 5,5 milliards, et permet de nombreuses fraudes et contournements, alors que son efficacité n’a pas été démontrée. Surtout, ce sont les plus grandes entreprises qui en sont les premières bénéficiaires, avec plus d’un tiers des créances, tandis que les TPE ne bénéficient que de 5,50% des créances.

Mesures de la France Insoumise

Pour la France Insoumise (FI), la première priorité est de renforcer les moyens humains et techniques de l’administration fiscale et des douanes dans la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales. Il est aussi prévu d’ « augmenter nettement les effectifs de police affectés à la lutte contre la délinquance en col blanc en lien avec le fisc, les douanes et la justice financière ».

Aussi, le programme l’Avenir en commun prévoit de refonder l’impôt sur les sociétés pour établir l’égalité devant l’impôt entre PME et grands groupes, et d’instaurer un barème progressif. À court terme, le taux descendra à 25 %. Pour lutter contre l’optimisation fiscale, la FI souhaite aussi évaluer chacune des niches fiscales et supprimer les niches injustes, inefficaces socialement ou nuisibles écologiquement. Transformer aussi les 41 milliards d’euros annuels du pacte de responsabilité et du crédit d’impôt compétitivité (CICE) pour financer la transition énergétique et les activités socialement utiles. Enfin il est prévu de supprimer le CIR, pour orienter l’aide publique exclusivement sur les vrais acteurs de la Recherche et Développement, et en priorité les PME qui consacrent aujourd’hui énormément de temps et d’argent à la recherche de financements, en s’appuyant notamment sur le pôle public bancaire.