Sous-traitance : Aider les TPE-PME face aux plus grandes
Le terme « patronat » rassemble des patron⋅ne⋅s et des entreprises qui n’ont pas grand chose en commun. En 2014, sur 4,4 millions d’entreprises en France, seules 274 employaient plus de 5000 salarié⋅e⋅s. En 2012, moins de 1% des entreprises employaient plus de 50 salarié⋅e⋅s. Et les inégalités entre entreprises sont aussi énormes. En 2013, 1 % des entreprises rassemblaient 65 % de la valeur ajoutée, 55 % de l’emploi et 68 % de l’investissement, et seulement 3 000 entreprises concentraient 83 % des exportations.
Pour Pierre Gattaz, le président du Medef, « le monde de l’entreprise en France est une force nationale, une force unie (…) nous avons montré que l’esprit de concurrence et de compétition qui nous animait, comme elle anime tout entrepreneur, ne pouvait en aucun cas se confondre avec des affrontements destructeurs ». Pourtant, les « affrontements destructeurs » sont quotidiens dans « le monde de l’entreprise ». Les problèmes interentreprises sont la principale source de stress pour les petits patrons. D’après une étude de l’observatoire Amarok sur « les dix principales sources de stress professionnel » pour les patrons de PME, les problèmes interentreprises occupent une place incontournable: Derrière la « surcharge de travail », la « pression de la concurrence » arrivait deuxième (84,6 %), suivie de « la perte d’un client » (68,8 %), d’une « facture impayée » (67,5 %), de « la chute des commandes » (66,4 %), et d’un « conflit avec un client » (66,4 %), la pression fiscale n’arrivant qu’en neuvième position (60,6 %).
- Les retards de paiements, première cause de faillite
- Accès au financement et fonds de solidarité
- En finir avec le clientélisme des tribunaux de commerce
Les retards de paiements, première cause de faillite
Si cette pression fiscale est prévisible, et intégrée dans les budgets prévisionnels, les impayés des donneur⋅euse⋅s d’ordre le sont moins. L’Observatoire des délais de paiement relève que « moins d’une grande entreprise sur deux paie ses fournisseurs à moins de 60 jours (délai légal) », alors que « plus de deux PME sur trois respectent ce délai ». Les grands groupes imposent à leurs fournisseur⋅euse⋅s un « parcours kafkaien » : « dossier papier, non plié, sans agrafe, avec le logo en haut à droite, le numéro de Siren en haut à gauche, etc. En cas d’impair, parfois à la virgule près, la facture ne sera pas acceptée… ». « Ils vous font signer des mètres cubes de documents » confie un patron de BTP au journal Fakir à propos de Bouygues. Et les règles changent souvent suivant les entreprises ! Comme le raconte « Stéphane », un patron de TPE au journal Fakir, les entreprises utilisent parfois des faux arguments pour se justifier : défauts sur les produits, retard de livraison, etc. Souvent des prétextes pour obtenir des « gestes commerciaux » de leurs fournisseur⋅euse⋅s. Les entreprises ont même des services spécialisés pour s’occuper uniquement de ce genre de cas. D’après « Stéphane », ces pratiques sont devenues « quasi systématiques ».
Ces impayés peuvent rapidement provoquer des problèmes de trésorerie, et amener les entreprises à la faillite. C’est un spirale : Confrontées aux impayés, les entreprises ne peuvent plus payer leurs salarié⋅e⋅s, leur réputation en pâtit et elles perdent d’autres client⋅e⋅s… Le redressement judiciaire arrive, elles ne peuvent plus honorer les commandes qu’elles ont passé, et fragilisent donc d’autres entreprises… D’après Pierre Pelouzet, le médiateur interentreprises mis en place par le gouvernement, « il y a un phénomène de cascade: les grandes paient mal les moyennes qui paient mal les petites qui paient mal les très petites ». On estime que 12 milliards d’euros sont en attente de versement entre les grandes et les petites entreprises. Parmi les mauvais⋅es payeur⋅euse⋅s, on trouve de nombreuses entreprises du CAC 40, comme SFR, Bouygues, Vinci, Accor… Les retards de paiement sont la principale cause des défaillance des entreprises, avec 25% des faillites, et à cause d’eux, entre 35 et 40 sociétés mettent la clé sous la porte chaque jour.
Accès au financement et fonds de solidarité
Acculé⋅e⋅s, les entrepreneur⋅e⋅s n’ont souvent pas d’autre choix que de faire appel aux financier⋅e⋅s, quand ils ou elles ne réussissent pas à avoir d’aide de l’Etat. Face à ce problème, le programme de la France Insoumise propose d’abord un prêt à taux zéro qui permettra aux PME et TPE « d’économiser sur les frais bancaires générés par les avances des banques aux entreprises qui attendent des paiements de la part de leurs clients, afin de disposer de liquidités» . Ce prêt à taux zéro se fera grâce à la mise en place d’un Pôle public bancaire, qui sera un véritable service public bancaire, « n’aura pas d’activités spéculatives et sera l’un des acteurs centraux de notre politique de crédit ». Aussi, le financement sera possible à travers la Banque Publique d’Investissement (BPI), à laquelle une licence bancaire sera accordée, et qui aura « une nouvelle mission de service public ».
L’autre principale réponse de la France Insoumise est la création d’un fonds de solidarité interentreprises, ou « fonds de mutualisation », qui « assurera la continuité des salaires et des droits sociaux dans les périodes de non-emploi, et viendra en soutien aux TPE, que nous sortirons ainsi de la dépendance aux grands groupes et aux crédits bancaires privés ». La contribution à ce fonds se fera suivant un barème progressif , « selon la taille de l’entreprise », « pour que les TPE ne payent quasiment rien et que les grands groupes cotisent pour l’essentiel ».. Enfin, la France Insoumise cherchera à « encadrer la sous-traitance et étendre la responsabilité juridique, sociale et écologique des donneurs d’ordres » dans l’emploi de sous-traitant⋅e⋅s, ce qui permettra de « protéger les TPE et PME dans leurs liens avec les grands groupes ».
En finir avec le clientélisme des tribunaux de commerce
Face à ce problème, le journal Fakir remarque que le Medef propose la mise en place d’un « facilitateur/correspondant PME » que les entreprises pourraient saisir « afin de trouver un compromis acceptable en cas de litige ». Mais ce « facilitateur » serait le ou la salarié⋅e du grand groupe, et on voit mal comment il ou elle pourrait être impartial⋅e dans ce cas… La France Insoumise (FI) propose l’inverse, avec d’abord la « limitation à certaines matières du recours aux modes alternatifs de règlement des litiges que sont la conciliation, la médiation ou encore l’arbitrage pour éviter la privatisation du service public de la justice (…) mais aussi pour protéger, dans chaque litige, la partie la plus faible ».
Au niveau juridique, la France Insoumise propose aussi de mettre en place « un service public d’accompagnement des entrepreneur⋅e⋅s indépendant⋅e⋅s et des petites entreprises, composé « d’expert⋅e⋅s accompagnateur⋅rices⋅s avec différents pôles de compétences », notamment en droit, qui pourraient les aider en cas de conflits. Il faut aussi savoir que la justice actuelle ne garantit en rien un procès équitable. Les juges des tribunaux de commerce sont des dirigeant⋅e⋅s d’entreprises, qui sont désigné⋅e⋅s par un collège électoral composé de juges et d’ancien⋅ne⋅s juges (donc d’ancien⋅ne⋅s chef⋅e⋅s d’entreprises), et de délégué⋅e⋅s consulaires. Celles et ceux-ci sont des commerçant⋅e⋅s, qui sont eux-même élu⋅e⋅s par les autres commerçant⋅e⋅s inscrit⋅e⋅s au registre du commerce et des sociétés. Face à ce problème, la FI propose la « fin du fonctionnement clientéliste des tribunaux de commerce en y instaurant l’échevinage (au moins un juge professionnel par formation de jugement) et en fonctionnarisant les greffes de ces tribunaux ».