Témoignage de Laurent, chaudronnier

Ce témoignage provient de l’article « CAMARADES PATRONS » de l’excellent n°80 du journal Fakir (Mai-Juin 2017) :

« Laurent », chaudronnier, est un fournisseur de « Stéphane », patron d’un bureau d’études. Celui-ci, comme il l’explique au journal Fakir, est en proie à des retards de paiements et des demandes de « gestes commerciaux » de manière « quasi systématique. », de la part de son principal donneur d’ordre, un « géant américain ». D’après « Stéphane », « Comme ils assèchent les marges, on passe les mois ric-rac. Notre fournisseur de plastique nous a demandé une avance, ça veut tout dire : il n’a plus confiance. La chaudronnerie avec qui je bosse, on leur doit 40 000 €. Pour eux c’est très grave, ça les met au chômage technique. Y a neuf emplois en jeu quand même. Tu pourrais les appeler, d’ailleurs. »

« Les impayés du chaudronnier

« Je sais que ça vient pas d’eux. » Laurent, le chaudronnier, n’en veut pas trop à Stéphane, l’ingénieur : « Le problème, c’est les acheteurs qui veulent se faire mousser. Ils s’en foutent de ce qu’ils récupèrent. Ils veulent juste aller voir leur supérieur et lui dire “regarde, ce que j’ai gagné”. Même si ça met toute une chaîne dans la merde. L’année 2015 on a pris pour 100 000 euros d’impayés…Sur un chiffre d’affaires de combien ?500 000.20%, c’est énorme !Bah oui, et encore on avait de la trésorerie, parce qu’on avait fait quelques belles affaires avant. Maintenant on ne l’a plus, notre sécurité a disparu. On travaille sans filet. Je dois 19 000 € à mon fournisseur de tôles. Mais on se débrouille. Si on s’apitoie sur notre sort, on est mort.

« Quand j’ai créé l’entreprise, je savais que j’aurais des charges à payer. C’était dans mon prévisionnel, je l’intègre à mon coût horaire. Bien sûr que c’est des sommes importantes mais ça fait partie des règles du jeu. Les impayés, c’est du hors-jeu. »

Et le coût du travail, vous en pensez quoi ?Je vois pas pourquoi on se plaint de ça, parce qu’on le sait à l’avance. Quand j’ai créé l’entreprise, je savais que j’aurais des charges à payer. C’était dans mon prévisionnel, je l’intègre à mon coût horaire. Bien sûr que c’est des sommes importantes mais ça fait partie des règles du jeu. Les impayés, c’est du hors-jeu. Mes employés, d’ailleurs, ça fait deux ans que je ne les ai pas augmentés. Et leur salaire, des fois, il a été versé une semaine en retard. Ça dégrade les relations, on ne peut pas demander à quelqu’un qu’on paye en retard de faire des efforts…Et si vous aviez pas eu ces impayés, vous les auriez augmentés ?Bah, avec 100 000 euros en plus, évidemment qu’ils en auraient bénéficié un peu.Mais alors, si c’est un gros point noir, pourquoi on n’en entend pas parler, de ces impayés ?C’est des choses qui ne se disent pas, du tabou. Certains de mes clients, s’ils savaient que notre trésorerie était tendue à ce point, ils nous passeraient pas de commande. Par peur qu’on ne puisse pas les réaliser. » »


Nous remercions chaleureusement la rédaction de Fakir, et son rédacteur en chef François Ruffin, pour nous avoir autorisé à publier ce texte ici.