Lutter contre la finance pour relancer l’économie réelle

Ce qu’on appelle la « financiarisation de l’économie » est le poids grandissant de l’endettement et des marchés financiers dans l’économie et dans le financement de celle-ci. Les entreprises se financent de plus en plus sur les marchés, et moins par des emprunts auprès des banques, tandis que celles-ci spéculent de plus en plus. Pour une explication complète et rapide sur ce processus, voir cette vidéo.

  1. De plus en plus de dividendes pour de moins en moins d’entreprises
  2. Sortir de la logique de court terme et limiter la spéculation
  3. Limiter les dividendes pour relancer l’investissement
  4. Sortir de la dépendance aux marchés

De plus en plus de dividendes pour de moins en moins d’entreprises

La financiarisation conduit à l’utilisation de dispositifs de plus en plus complexes de financement, souvent dans l’unique but de faire des profits à court terme, bénéficiant surtout aux actionnaires. Ce processus ne concerne vraiment qu’une part réduite des entreprises, parmi les plus grandes. Ce qu’on constate est un fossé toujours plus grand entre ce « monde de la finance » et le reste de l’économie, qu’on peut appeler « économie réelle ». Mais ces deux mondes sont connectés, dans le sens ou la finance se nourrit essentiellement de la spéculation sur des capitaux que lui fournit l’économie réelle. Une des principales caractéristiques des entreprises du monde de la finance, c’est le montant et la part des dividendes versés dans leurs profits.

En 2013, les entreprises du CAC 40 ont distribué 39 milliards d’euros de dividendes, sur 48 milliards de profits, soit un peu plus de 80 % de ceux-ci (revenus reçus + Excédent Net d’Exploitation). Cette part n’a cessé d’augmenter, alors qu’elle n’était que d’environ 30 % à la fin des années 1980. Cette financiarisation se fait au détriment de l’investissement, et donc de l’économie réelle. Alors qu’au début des années 1980, les dividendes représentaient la moitié des dépenses consacrées à l’investissement net, aujourd’hui ils représentent 2,6 fois plus que ces dépenses d’investissement.

En 2011, sur 42 877 milliards de dividendes versés, avec 125 millions, les PME ont distribué moins de 0,3% de leur total, tandis qu’avec 37 837 milliards, les « entreprises géantes », qui employaient plus de 25 000 salarié⋅e⋅s, en distribuaient plus de 88%. La même année, les PME ont accordé à peine 8% de leurs bénéfices nets sous forme de dividendes, contre 60% en 1992. En 1992, avec 206 millions, elles distribuaient presque 3% du montant total des dividendes versés. Aujourd’hui ce montant, en valeur absolue, à donc largement baissé, tandis que celui des entreprises géantes a été multiplié par 8.

Sortir de la logique de court terme et limiter la spéculation

La France Insoumise (FI) pense que cette financiarisation de l’économie est un problème essentiel, et a donc prévu de nombreuses mesures pour la combattre. Tout d’abord, il faut sortir de cette logique de profits à court terme qui ne bénéficie souvent qu’aux actionnaires. Pour cela, il est prévu de « favoriser l’investissement sur le long terme dans les entreprises, afin d’éviter les prises de contrôle “sauvages” suivies de reventes, mais également permettre à l’entreprise de s’engager dans une politique de long terme, sans subir de pression de rémunération actionnariale immédiate ». Elle veut aussi donner plus de poids à ceux qui s’engagent dans la durée, en modelant les droits de vote des actionnaires selon la durée d’engagement dans l’entreprise, en réservant ce droit aux actionnaires acceptant de s’engager sur une durée de présence minimale.

Avec la cotation en continu, les cours boursiers fluctuent selon les échanges et sont fixés en temps réel. C’est un symbole de cette vision court-termiste, qui transforme l’économie en un véritable « casino géant », permettant que les cours puissent varier quasiment d’une seconde à l’autre. Ces « investissements » n’ont souvent rien à voir avec des investissement réels, permettant d’améliorer les outils de production par exemple. Ce système ne profite qu’aux banques, aux spéculateur⋅rice⋅s et autres acteur⋅rice⋅s de la Bourse, et le supprimer serait donc une manière de réconcilier le temps économique et le temps boursier. De plus cela permettrait de lutter contre le blanchiment d’argent et la fraude fiscale, plus difficilement détectables avec cette pratique. La FI propose donc de mettre fin à la cotation continue des entreprises en Bourse.

Pour limiter la spéculation, il est aussi prévu d’instaurer une taxe réelle sur les transactions financières, mesure que des pays comme la Chine, l’Inde, le Brésil, et Taïwan ont déjà adopté, et pour éviter une nouvelle crise et sa diffusion, il est question « d’identifier et d’interdire les produits dérivés toxiques et inutiles au financement ou à la couverture des flux économiques réels ».

Limiter les dividendes pour relancer l’investissement

Différentes mesures seront prises pour limiter la distribution de dividendes et encourager l’investissement. La limitation des dividendes d’abord, en empêchant que la part de ceux-ci soit supérieure aux profits, et en empêchant d’emprunter pour ce versement. La France Insoumise souhaite aussi que « la contribution additionnelle concernant les versements de dividendes et les rachats d’actions soit doublée, et ce, dans le but d’imposer davantage les entreprises qui privilégient les actionnaires à l’économie réelle ». Il est aussi prévu de réduire l’impôt des sociétés qui investissent, pour que celles qui le font en France paient moins d’impôts, et celles qui favorisent la rémunération de leurs actionnaires davantage. Et d’augmenter la mise en réserve légale (aujourd’hui de seulement 5 % des bénéfices) qui oblige l’entreprise à conserver une part de son résultat plutôt que de le distribuer entièrement en dividendes.

L’« effet de levier » désigne n’importe quelle technique destinée à multiplier les profits, en particulier en privilégiant le financement par la dette, mais aussi par le recours au marché, plutôt que par l’augmentation de capital. La titrisation consiste à transformer des créances en titres financiers négociables qui peuvent être revendus, et cette pratique est une des causes importantes de la crise des subprimes de 2007-2008 et de sa propagation. Pour limiter les dividendes et les dangers de ces pratiques, la FI veut donc interdire les ventes de gré à gré et la titrisation, et plafonner les effets de levier et les rendements actionnariaux exorbitants. Le « Leverage Buy Out » (LBO) est une autre de ces techniques financières, consistant « à acheter une entreprise en apportant le moins possible de capitaux propres et en empruntant le plus possible, puis à rembourser les prêts avec les bénéfices générés par l’activité de la société acquise ». Elle est souvent utilisée dans le seul but de revendre l’entreprise peu après. Le but est d’arriver à un effet de levier, mais en cas de mauvaise gestion, ou si la conjoncture se retourne, elle peut avoir des conséquences catastrophiques. En particulier sur les salarié⋅e⋅s, comme ça a été le cas pour celles et ceux de l’entreprise Vivarte, qui a subi un plan social et de nombreux licenciements suite à un LBO. La France Insoumise souhaite donc interdire cette pratique, sauf dans le cas de reprise de l’entreprise par les salarié⋅e⋅s.

Sortir de la dépendance aux marchés

Enfin, lutter contre la financiarisation de l’économie, c’est aussi développer d’autres sources de financement que le recours à la Bourse et aux marchés, ou à des emprunts auprès de banques qui spéculent. Le taux d’escompte à 0% va dans ce sens, en permettant en particulier aux PME et aux TPE d’économiser sur les frais bancaires. Il sera possible par la mise en place progressive d’un pôle public bancaire, un véritable service public bancaire qui n’aura pas d’activités spéculatives et sera l’un des acteurs centraux de la politique de crédit. Le financement sera aussi possible avec la Banque Publique d’Investissement (BPI), qui deviendra l’un des outils majeurs de la relance par l’investissement, en particulier en matière écologique, en lui accordant une licence bancaire globale. Au niveau du financement, le programme prévoit aussi de séparer les banques d’affaires, c’est à dire celles qui se livrent à des activités spéculatives, et les banques de détail, afin de protéger l’épargne populaire, et d’éviter la propagation des crises.