Élire les représentant⋅e⋅s patronaux⋅ales

La représentativité permet à une organisation professionnelle d’employeur⋅euse⋅s de signer des conventions et des accords collectifs de travail, de siéger dans les nombreuses instances de décision des organismes sociaux (Pôle emploi, assurance maladie, formation…) et dans le fonds paritaire national. Plus une organisation est considérée comme « représentative », plus elle a de mandats dans ces instances, et plus elle a de mandats, plus elle a d’argent venant de l’Etat. En 2013, le Medef avait environ 60% des sièges, et touchait 13 millions d’euros par an de fonds paritaires, soit un tiers de ses recettes.

  1. Une réforme qui ne change rien
  2. Des représentant⋅e⋅s peu représentatif⋅ve⋅s
  3. Le Medef, patron des grand⋅e⋅s patron⋅ne⋅s
  4. Une « approche plus positive » contre les mauvais⋅es payeur⋅euse⋅s
  5. Pour des représentant⋅e⋅s patronaux⋅ales enfin élu⋅e⋅s

Une réforme qui ne change rien

Le Medef est depuis longtemps considéré comme la première organisation patronale. Jusqu’aux réformes de 2015-2016, les pouvoirs publics désignaient les organisations représentatives du patronat suivant le nombre total d’entreprises qu’elles déclaraient représenter. Mais comme on sait maintenant, depuis la première mesure du nombre d’entreprises adhérentes aux différentes organisations patronales effectuée par le ministère du travail, que les chiffres avancés par les organisations patronales étaient complètement faux, autant dire que cette reconnaissance était totalement arbitraire. Maintenant, pour déterminer leur représentativité, le nombre d’entreprises adhérentes est mesuré et pris en compte à hauteur de 30 %, et le nombre de salariés à 70 %. Finalement, la première mesure effectuée récemment n’a rien changé, et le Medef reste la première organisation patronale. Les deux autres étant toujours la Confédération des Petites et Moyennes Entreprises (CPME, anciennement CGPME) et l’Union des entreprises de Proximité (U2P, anciennement UPA).

Des représentant⋅e⋅s peu représentatif⋅ve⋅s

Selon un rapport d’octobre 2011 du think tank Fondation Concorde, le taux moyen d’adhésion à une organisation syndicale ne dépassait pas les 8%. Alors qu’il y avait environ 4,4 millions d’entreprises en 2014, la mesure réalisée par le ministère du Travail a comptabilisé 123.387 entreprises adhérentes au Medef, 144.939 à la CPME et 150.605 à l’U2P. D’après ces chiffres, on peut calculer que seulement 9,5% des entreprises adhèrent à une organisation patronale reconnue comme représentative. Mais on ne sait pas comment ces chiffres sont calculés. D’après le sociologue Michel Offerlé, les patron⋅ne⋅s adhèrent indirectement au Medef : ils ou elles cotisent à un Medef territorial, ou à une fédération professionnelle, qui adhère elle-même au Medef, et parfois aussi à une organisation patronale rivale. Ce qui fait qu’un très grand nombre d’adhérent⋅e⋅s ne savent pas qu’en cotisant à leur fédération, ils ou elles adhèrent au Medef ! Par exemple, l’UMIH (Union des Métiers et des Industries de l’Hôtellerie) adhère au Medef, à la CGPME et à l’U2P en même temps. Comment classer les 80 000 entreprises qui y cotisent ? De plus, certaines entreprises ne sont pas représentées, comme celles de l’économie sociale et solidaire, soit plus de 200 000 entreprises qui ne peuvent donc pas participer aux négociations interprofessionnelles. Le fait de privilégier le nombre de salarié⋅e⋅s pour évaluer la représentativité pose aussi problème car le personnel des entreprises ne choisit pas de s’affilier à une organisation patronale ; il ne peut qu’adhérer à un syndicat. Si la représentativité se calculait suivant le nombre d’entreprises adhérentes, ce serait donc l’U2P qui serait la première organisation patronale.

Le Medef, patron des grand⋅e⋅s patron⋅ne⋅s

D’après tous ces chiffres, on peut donc calculer qu’environ 2,8% des entreprises adhérent au Medef. Un chiffre très faible pour une organisation qui prétend représenter l’ensemble du patronat, et qui est souvent présentée comme telle ! Pierre Gattaz n’hésite pas à mettre en avant les petit⋅e⋅s patron⋅ne⋅s : « Les patrons de PME et de TPE sont des héros de la Nation » disait-il. « Allez voir ces employeurs, allez voir ces petits entrepreneurs. C’est la vraie vie, ce sont des artisans, ce sont des commerçants ». Pourtant, avec 8,52 millions de salarié⋅e⋅s dans les entreprises qui adhèrent à l’organisation, le Medef semble plutôt représenter la plupart des 274 grandes entreprises (c’est à dire celles de plus de 5000 salarié⋅e⋅s) que la France comptait en 2014 . Alors qu’il y a en moyenne 69 salarié⋅e⋅s par entreprise adhérente au Medef, contre moins de 21 pour la CPME (3 millions au total) et un peu plus de 3 pour l’U2P (507 000). « Nous avons le CAC 40 », disait d’ailleurs P.Gattaz dans un entretien.

Une « approche plus positive » contre les mauvais⋅es payeur⋅euse⋅s

Et le Medef semble surtout défendre les intérêts des grandes entreprises. Par exemple, la question des retards de paiement ne semble pas beaucoup intéresser l’organisation. Pourtant, il s’agit de la principale cause des défaillances d’entreprises depuis la crise, avec « 25% des faillites et 13 milliards d’euros qui manquent dans les caisses des PME» , d’après Pierre Pelouzet, le médiateur interentreprises. Les grands groupes imposent aux petites un « parcours kafkaien », pour accepter de régler leurs factures, 2 entreprises sur 3 paient leurs fournisseurs en retard en France… Face à ce problème, le journal Fakir remarque que le Medef, plutôt que de dénoncer les mauvais⋅es payeur⋅euse⋅s, préfère dénoncer le choix du gouvernement de publier les noms des mauvais⋅es payeur⋅euse⋅s, « au détriment d’une approche plus positive ». Sur le sujet, l’organisation patronale a publié un dossier intitulé « Améliorer les relations interentreprises : être plus forts ensemble », rédigé avec l’Afep, une organisation qui « réunit presque tous les patrons du CAC 40, des grandes sociétés françaises et de grandes entreprises étrangères ayant une présence importante en France ». Sur ce problème, le Mefef et l’Afep proposent donc que les grandes entreprises désignent un « facilitateur/correspondant PME » que les entreprises pourraient saisir, « afin de trouver un compromis acceptable en cas de litige ». Mais ce « facilitateur » serait en fait un salarié du grand groupe… Comment le ou la salarié⋅e d’un grand groupe pourrait-il ou elle imposer à son employeur⋅euse de régler un⋅e sous-traitant⋅e ? Sinon, « les entreprises pourront adhérer à un système de médiation en interne ». Comme le note Fakir, « Le mot important, ici, c’est « interne » : que ça se règle entre nous. Que l’État, la loi, ne viennent pas mettre leur nez là-dedans ». Une solution pire encore que l’actuel fonctionnement clientéliste des tribunaux de commerce où les juges sont des dirigeant⋅e⋅s d’entreprises. Un exemple parmi beaucoup d’autres, mais qui montre bien de quel côté se trouve le Medef.

Pour des représentant⋅e⋅s patronaux⋅ales enfin élu⋅e⋅s

Face à ce problème de représentativité des organisations patronales, la France Insoumise propose de mettre fin à l’usurpation par le Medef de la parole des chefs d’entreprises, et de fonder la représentativité des organisations patronales sur la base d’élections. Comme pour les syndicats, qui doivent obtenir au moins 10% des voix dans l’entreprise, et 8% au niveau de la branche ou au niveau national, pour pouvoir négocier et signer des accords. Tou⋅te⋅s les chef⋅e⋅s d’entreprises pourraient donc voter pour élire leurs représentant⋅e⋅s. Cette réforme permettrait aux entreprises et aux TPE-PME d’avoir des représentant⋅e⋅s plus fidèles à leurs intérêts dans les différentes instances, et donc d’avoir un poids politique plus important.